ZENTRUM FÜR AUGUSTINUS-FORSCHUNG

AN DER JULIUS-MAXIMILIANS-UNIVERSITÄT WÜRZBURG

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Fecisti nos ad te, domine, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te.

Confessiones 1,1

Geschaffen hast du uns auf dich hin, o Herr, und unruhig ist unser Herz, bis es Ruhe findet in dir.

Bekenntnisse 1,1

Dieser Artikel erscheint im Augustinus-Lexikon in dessen 5. Band, Faszikel 3/4 (2021).

Pfingsten - Sendung des Heiligen Geistes. Friesach, Rosenkranzaltar der Dominikanerkirche (1648)Pfingsten − Sendung des Heiligen Geistes. Dominikanerkirche Friesach, Rosenkranzaltar (1648). Bildquelle: wikimedia commons

I. S. avant A. – II. S. selon A. – 1. S. vs. ‹corporalis› – 2. S. vs. ‹animalis› – 3. S. vs. ‹carnalis›

I. S. avant A.

S. (ou ‹spiritualis›), équivalent du grec πνευματικός, est très peu utilisé en latin classique. On le trouve dans les traductions latines de Paul (↗Paulus apostolus) qui emploie les termes πνεῦμα et πνευματικός [1]: il oppose l’homme spirituel à l’homme animal ou charnel [2], le corps spirituel des ressuscités au corps animal de l’homme ici-bas (1 Cor 15,44); il énumère les dons spirituels (ib. 12,1; 14,1), évoque la grâce spirituelle (Rm 1,11), les biens spirituels (ib. 15,27; 1 Cor 9,11); il applique le terme à la loi (Rm 7,14) et à la lecture figurative de l’Ancien Testament (1 Cor 10,1-4); il l’utilise encore pour les esprits du mal (Eph 6,12). 1 Pt 2,5 invite les croyants à être édifiés en maison spirituelle afin d’offrir un culte spirituel.

Le terme s. a divers sens chez les auteurs ecclésiastiques antérieurs à A. Il peut caractériser la substance divine [3], mais aussi l’âme humaine (Hil. in Matth. 10,18.20). Il s’applique aux démons [4]. Il désigne ce qui est un effet de l’action de l’Esprit Saint: ‹s. charismata› (Tert. anim. 9,3), ‹s. uis, qua constat prophetia› (ib. 21,2), ‹omnis operatio gratiae s.› (adu. Marc. 5,8,4), ‹s. uirtus› (Cypr. epist. 6,1,2), ‹s. certamen› (ib. 28,1,1), ‹s. gratia› (Ambr. Abr. 2,8,53 [5]). A la suite d’Origène/Rufin (cf., par ex., Rufin. Orig. princ. 4,2,6) qui recommande la ‹s. explanatio› de la Bible, Ambroise oppose ‹intellegentia s.› et ‹intellectus secundum litteram› (Iob 1,5,12 [6]). Le terme s. caractérise enfin le corps glorifié [7].

Notes

[1] Cf. Mayer 8-10. – [2] 1 Cor 2,13-15; 3,1; Gal 6,1. – [3] Tert. carn. 5,7; Mar. Victorin. adu. Arium 1,60. – [4] Tert. apol. 22,1: ‹substantiae quaedam s.›; adu. Marc. 4,24,10. – [5] Cf. ib. 2,5,20; Isaac 4,34; fug. saec. 9,57; in psalm. 61,30,1; in psalm. 118 7,7,3. – [6] Cf. fug. saec. 2,13; Iac. 2,3; parad. 13,66; in psalm. 118 16,35. – [7] Tert. resurr. 53,18; Rufin. Orig. princ. 2,10,1; Ambr. in psalm. 118 8,18,2; Mar. Victorin. adu. Arium 1,64.

II. S. selon A.

A. emploie s. environ 2430 fois (y compris environ 390 occurrences de ‹spirit(u)aliter›) [8] (↗Spiritus). On peut distinguer les différents emplois de s. à partir des termes opposés: corporalis›, ‹animalis› et ‹carnalis› [9], mais il n’est pas toujours possible de trancher entre les différents sens du terme [10]. A. distingue parfois deux catégories de créatures: corporalis – s.› [11]; parfois trois: corporalis – animalis – s.› [12]. En De Genesi ad litteram (cf. ib. 12,37,70), il préfère la distinction corporalis – s. – intellectualis›, qui manifeste l’influence de ↗‹Porphyrius› [13]. A. y distingue ainsi trois sortes de ↗‹uisio›: corporalis – s. – intellectualis› [14].

Notes

[8] A partir de Gn. adu. Man. (cf. ib. 1,27sq.31.40.43 et passim). – [9] Cf. Mohrmann 156; Mayer 12-16. – [10] Cf. Schumacher 134-136.141.143 n. 2. Cf., par ex., ‹sacrificium s.› (en. Ps. 117,22). – [11] S. Dolbeau 26,25: «omnis creatura aut corporalis est aut spiritalis». – [12] Diu. qu. 67,5: «omnis creatura partim spiritalis est partim animalis partim corporalis. quod ut ab inferioribus consideremus, corporalis creatura per loca tenditur, animalis autem uiuificat corporalem, spiritalis animalem regit, et tunc bene regit, cum ipsa regendam se subicit deo»; cf. exp. prop. Rm. 53; en. Ps. 118,12,1. – [13] Ciu. 10,9: «... utilem dicit (sc. Porphyrius) esse mundandae parti animae, non quidem intellectuali, qua rerum intellegibilium percipitur ueritas, nullas habentium similitudines corporum; sed spiritali, qua corporalium rerum capiuntur imagines»; ↗Imago. – [14] Ib. 12,7,16; 12,11,22; cf. Solignac, Trois; Madec; Bochet, Deum 260-265; ↗Intellectus.

1. S. vs. ‹corporalis›. – S. peut d’abord caractériser les réalités ou activités qui ne sont pas corporelles [15] (↗Corpus): l’âme est ↗substantia s.› [16]; les anges (↗Angelus) sont spirituels (en. Ps. 103,1,16); de même les mauvais esprits (Io. eu. tr. 55,4; ↗Daemon(es)). A. se demande si la ‹lux› de Gn 1,3 est corporelle ou spirituelle [17]; il fait l’hypothèse d’une matière spirituelle (↗Materia, materies), à partir de laquelle fut formée l’âme (Gn. litt. 7,27,39). La présence de Dieu est spirituelle, et non corporelle (en. Ps. 81,2; ↗Deus); la suggestion du diable est spirituelle, car elle se fait «per cogitationem, ac per hoc non corporaliter» (Io. eu. tr. 55,4) [18].

D’autre part, une même réalité, par ex., la manne, peut être un ‹cibus corporalis› pour les uns, un ‹cibus s.› pour les autres, selon la façon dont elle est reçue (s. 352,3).

Notes

[15] A. était incapable de concevoir une substance spirituelle dans sa période manichéenne (conf. 5,25; ↗Manichaei). Pour l’opposition s. vs. ‹terrenus›, cf., par ex., ib. 12,15; cat. rud. 20; ciu. 13,20; ↗Terra, terrenus. – [16] Trin. 2,14; 6,8; s. Dolbeau 22,18. Cf. aussi les ‹deux résurrections›: corporelle et spirituelle (par ex. s. 362,24); ↗Resurrectio. – [17] Gn. litt. 1,3,7; 1,10,22; ↗Lumen, lux. – [18] Cf. Gn. adu. Man. 2,20; ↗Diabolus.

2. S. vs. ‹animalis›.A la suite de Paul en 1 Cor 15,44-46, A. oppose l’homme animal à l’homme spirituel [19], le corps animal au corps spirituel (↗Anima, animus, ↗Animal). Par l’insufflation divine (Gn 2,7), l’homme devient animal; il n’est pas encore spirituel; il le devient en recevant le commandement de la perfection, mais après le péché il régresse à l’état d’être animal (Gn. adu. Man. 2,10). Selon Gn. litt. 6,28,39, ↗Adam eut un corps animal au paradis, tout en étant spirituel selon l’homme intérieur, ce qu’il a perdu par le péché (↗Peccatum originale); il en est de même des justes qui, tout en étant spirituels, peuvent céder à la tentation du péché. Dans la ‹resurrectio›, le corps animal est transformé en corps spirituel [20], c.-à-d. en un corps soumis à l’esprit [21], qui ne connaît ni besoin, ni altération et qui est revêtu d’immortalité (ciu. 13,22sq.).

Notes.

[19] Cf. Mara; Teske, Confessions. – [20] Pecc. mer. 2,44; ciu. 22,21: «in spiritalis corporis nouitatem ex animalis corporis uetustate mutatum»; cf. Van Fleteren. – [21] Ciu. 22,21: «erit ergo spiritui subdita caro spiritalis, sed tamen caro, non spiritus»; cf. ib. 13,20; Gn. litt. 12,7,18; cf. Alfeche.

3. S. vs. ‹carnalis›. – S. peut exprimer la présence de l’Esprit saint (↗Spiritus sanctus) ou l’effet de son action [22]; la ↗gratia s.› est un don de l’Esprit [23]. Comme Paul, A. oppose souvent s. à carnalis›: la conception de la chair du Christ fut «non carnalis sed spiritalis» (trin. 15,46; ↗Incarnatio); autre est la ↗‹generatio carnalis› en Adam, autre la ↗‹regeneratio s.› dans le Christ [24] (↗Caro-spiritus); la ↗concupiscentia carnalis› et la concupiscentia s.› luttent l’une contre l’autre [25]; l’homme est invité à faire le bien «non mali carnalis formidine, sed boni spiritalis delectatione» (en. Ps. 118,22,7; ↗Bonum); l’amour charnel a fait perdre à Salomon la sagesse qu’il avait acquise par un amour spirituel (doctr. chr. 3,31; ↗Amor). S. est souvent associé à ↗‹intellegibilis› [26] ou présenté comme son équivalent: ainsi selon mag. 39, le couple carnalia – spiritalia› est un équivalent du couple sensibilia – intellegibilia› «ut more nostrorum auctorum loquar» (ib. 38) [27]; selon diu. qu. 30, «honestatem uoco intellegibilem pulchritudinem, quam spiritalem nos proprie dicimus» [28].

L’antithèse entre s. et carnalis› peut correspondre à la relation du Nouveau Testament à l’Ancien: la liberté spirituelle des hommes du Nouveau Testament s’oppose à la servitude charnelle de ceux de l’Ancien [29], mais les patriarches et les prophètes étaient spirituels même au temps de la servitude (doctr. chr. 3,13); la ↗beatitudo uerissima s.› du royaume des cieux est meilleure que la beatitudo falsa carnalis› du royaume charnel espéré par le peuple juif (ciu. 17,7; ↗Iudaei). A. souligne également l’antériorité temporelle du charnel (figuré par Esaü) sur le spirituel (figuré par Jacob; ↗Iacob et Esau): «prior est carnalis, et postea spiritalis» (s. 4,11) [30].

Contre les manichéens, A. prône une intelligence spirituelle de l’Ecriture qui ne s’arrête pas à la lettre et aux anthropomorphismes bibliques, mais accède au sens figuré [31]. Il exhorte à comprendre les signes du culte ancien [32] in eorum intellegentia spiritali› (doctr. chr. 3,12); il faut de même, pour les promesses et les nombres de l’Ancien Testament, spiritaliter accipi› [33], ou encore, dans le cas d’un changement de nom, chercher l’intellectus s.› (en. Ps. 33,1,7).

L’enseignement d’A. sur l’homo s.› est complexe [34]. A. remarque parfois que l’homme est spirituel, «quia secundum spiritum uiuit», tout en étant encore charnel en son corps soumis à la mort (s. 154,7); il commente en ce sens Rm 7,14 à partir de 418 environ [35]. Le plus souvent, A. distingue les ‹spiritales› des carnales› et pense leurs relations dans l’↗‹ecclesia›. A. les compare respectivement au ciel et à la terre [36]. Les ‹spiritales› sont les ‹perfecti› et ‹superiores› (uera rel. 51), capables de comprendre l’Ecriture et de l’enseigner aux charnels, aux ↗paruuli› (ib.) [37]. Selon 1 Cor 2,15, souvent cité par A., le s. juge de tout et n’est jugé par personne, mais il ne juge pas de ce qui est plus élevé que lui: la vérité, la loi éternelle (uera rel. 58), les connaissances spirituelles, l’Ecriture, la répartition des hommes en spirituels et charnels (conf. 13,32sq.) [38].

A. décrit les étapes du progrès spirituel, par analogie avec les étapes du développement de l’individu [39]. L’en. Ps. 118 souligne surtout le rôle des désirs spirituels grâce au don de l’Esprit dans ce progrès [40].

Notes.

[22] Bapt. 4,31: «ita in Cornelio praecessit sanctificatio spiritalis in dono spiritus sancti». – [23] En. Ps. 67,11; Io. eu. tr. 52,8; s. 270,5; c. Max. 1,9; ↗Donum. – [24] Pecc. mer. 3,2; gr. et pecc. or. 2,43; nupt. et conc. 2,58; ep. 157,11sq. – [25] Ciu. 15,5; cont. 5; cf. Gal 5,17. A. applique le verset à la lutte des spirituels contre les charnels (c. litt. Pet. 2,154). – [26] Gn. adu. Man. 1,30; s. dom. m. 2,14; conf. 12,29; c. Faust. 5,11; ciu. 17,16. – [27] Cf. ciu. 13,20; ↗Sensibilia, sensus. – [28] Ciu. 5,13: «impetrato spiritu sancto et amore intellegibilis pulchritudinis»; cf. reg 3 8,1: «donet dominus, ut obseruetis haec omnia cum dilectione, tamquam spiritalis pulchritudinis amatores»; cf. Bochet, Amants, et les titres de Verheijen; ↗Pulchritudo, pulchrum. – [29] Cat. rud. 35: «magis carnali timore quam spiritali caritate tenebantur»; cf. c. Faust. 22,82; ↗Littera-spiritus, ↗Seruitus-libertas, ↗Testamentum. – [30] Ib. 4,12: «nemo fit spiritalis nisi ex carnali»; cf. 1 Cor 15,46. – [31] Gn. adu. Man. 1,27sq.31; 2,13; cf. Dulaey, Présentation 50-58; Teske, De Genesi; ↗Figura(e). – [32] Cf. Bochet, Culte. – [33] Ib. 3,49.51; s. 4,13; ↗Allegoria, ↗Numerus. – [34] Cf. Schumacher 182-192; Solignac, Spirituels; van Bavel 262-267; Mayer; ↗Homo. – [35] C. ep. Pel. 1,17; cf. Mayer 25. – [36] Conf. 13,13; en. Ps. 134,16; s. 56,8; ↗Caelum. – [37] Cf. conf. 13,23; s. 23,4; Io. eu. tr. 98,8; cf. Solignac, Interprétation; Teske, Spirituals. – [38] Cf. Solignac, Spirituels 631sq. – [39] Vera rel. 48: «iste dicitur nouus homo et interior et caelestis habens et ipse proportione non annis, sed prouectibus distinctas quasdam spiritales aetates suas»; cf. Gn. adu. Man. 1,42sq. (cf. Dulaey, Etapes); ↗Aetas, 1,151sq. – [40] Ib. 118,14,2; 118,20,3; cf. Dulaey, Progrès; Kannengiesser; ↗Ascensio, ascensus.

Bibliographie

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ISABELLE BOCHET

Chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS - CR1);
Membre de l'Institut d’Études Augustiniennes (IEA), Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (Université Paris IV-Sorbonne),
Faculté de Philosophie de l’Institut Catholique de Paris, Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris.

 

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